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En sociologie, c’est une opposition des plus classiques : une culture considérée comme légitime contre une autre jugée populaire. Le sociologue Bernard Lahire revient pour nous sur la relation conflictuelle que peuvent entretenir les univers du football et de la musique classique.
Aujourd’hui encore, dans l’imaginaire collectif, la barrière culturelle entre la musique classique et le football semble infranchissable. Pour comprendre la divergence entre ces deux mondes, il faut remonter aux propriétés sociales de leurs publics explique Bernard Lahire, sociologue, auteur de La culture des individus. Dans les salles de musique classique ou à l’opéra, on retrouve généralement des personnes qui ont fait de longues études, avec un haut capital culturel, tandis qu’au stade, la base est plutôt populaire. En sciences sociales, pour caractériser la relation entre ces deux univers, on parlera de dominants et de dominés.
Ces différences sociales d’accès à la culture sont régulièrement mesurées par le ministère de la Culture qui, depuis les années 1970, mène des enquêtes sur les pratiques culturelles des individus en fonction de leur âge, sexe, niveau d’étude et profession. Leurs résultats démontrent objectivement des écarts sociaux entre les publics, un constat que retrouve Bernard Lahire sur le terrain. Il est extrêmement rare qu’une personne hautement diplômée déclare que son activité favorite est le football, et inversement pour les personnes issues de milieu populaire avec la musique classique.
Face à la culture de l’autre, le regard est souvent défiant, ou méprisant. Et ce dans les deux sens : « Quel intérêt peut-il y avoir à regarder des gens courir derrière un ballon ? Le classique ? Une musique de vieux, ennuyeuse ». Mais selon le chercheur, il ne faut pas mettre en symétrie deux jugements qui restent ceux de dominants d’un côté et de dominés de l’autre, et qui n’ont finalement pas le même poids dans la société.
Paradoxalement, il note qu’il est plus difficile pour de jeunes adolescents d’assumer le fait d’aimer la musique classique, alors que cette dernière est considérée comme étant l’une des formes culturelles les plus prestigieuses et légitimes dans la société. Par honte, ou de peur de paraître prétentieux. Bernard Lahire mentionne notamment le travail d’un étudiant en sociologie qui avait interrogé – d’abord en groupe, puis en tête-à-tête – des jeunes sur leur écoute musicale. C’est seulement lors des entretiens individuels que les lycéens admettaient écouter de la musique classique.
Lorsque l’on regarde de plus près les pratiques personnelles, poursuit Benard Lahire, on constate cependant qu’il existe bien des mélanges de registres chez les individus. Et le sociologue d’ajouter : « Bien plus que je ne l’imaginais ». Il est évident que parmi la classe dominante, certains regardent le football, et que des personnes issues des classes populaires apprécient la musique classique. Après la victoire de la France à la Coupe du monde 1998 par exemple, le football a réussi à séduire un public plus large. Mais lorsque les personnes interrogées mentionnent leur goût pour cette culture extrinsèque à leur univers, celles-ci instaurent toujours une certaine distance, comme pour se justifier. Une personne qui a un fort capital culturel et qui admet regarder un match de football de temps à temps va dire ensuite que c’est « pour se détendre » par exemple. Ou inversement, les dominés vont affirmer qu’ils sont allés au musée « pour se cultiver ».
Actuellement, les mélanges des genres ont tout de même tendance à se multiplier suite à l’évolution des rapports de force entre les cultures. Car tout est histoire de lutte entre deux mondes. Historiquement, celui de la musique classique a imposé sa légitimité grâce aux institutions qui la soutiennent et la subventionnent – comme l’Etat – et celles qui la diffusent, comme les salles de concert. Dans son livre Culture d’en haut, culture d’en bas, le sociologue américain Lawrence Levine démontre comment, aux Etats-Unis, les salles de spectacle ont progressivement sacralisé le théâtre et la musique classique, par un processus de disciplinarisation des publics.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle il n’y avait pas de distinction entre la culture des élites et la culture populaire. Mais progressivement, les théâtres ont commencé à imposer au public un “bon” comportement dans les salles, en distribuant notamment des tracts avant les spectacles : « ne pas crier, ne pas manger, ne pas interrompre les acteurs, se laver avant de venir ». Aujourd’hui, explique Bernard Lahire, cette rigueur inhérente aux salles prestigieuses constitue l’une des explications du rejet de la culture classique par les dominés. Les milieux populaires perçoivent ces endroits comme des lieux où l’on s’ennuie, où l’on gêne au moindre faux mouvement.
De son côté, la culture populaire est également défendue. Elle est notamment soutenue par les médias privés qui ont d’une part relayé en deuxième partie de soirée les programmes jugés trop « intellectuels » et d’autre part, tournent en dérision la culture classique. Pour appuyer son propos, Bernard Lahire cite dans son ouvrage l’exemple de présentateurs qui, alors qu’ils viennent de poser une question un peu longue et alambiquée ajoutent après : « Mais ne changez pas de chaîne, nous ne sommes pas sur France Culture ! ». Largement porté par ces médias, le football a ainsi gagné en légitimité, comme l’illustre cette anecdote sur le maire de Lyon, Gérard Colomb, qui, pour séduire les investisseurs, vante le fait que la ville possède un tableau de Nicolas Poussin, avant de mentionner le prestige de l’Olympique Lyonnais.
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